L'éternelle question:
Y a-il eu une production de voitures Auto-Route LR après guerre ?
Avant propos :
Rappelons que la production du jouet « Auto-Route LR » débute au second semestre 1936. Un feuillet (4 pages) en fera l’annonce. Puis on retrouvera ce jouet dans les différents catalogues clients LR des années 1937 et 38, ainsi que dans les catalogues « jouets et étrennes » des grands magasins de vente parisien (printemps, samaritaine…)
Sujet :
Les 2 articles les plus intéressants traitant de l’autoroute LR ont été rédigés par Clive Lamming. Cet historien des chemins de fer, trains, réseau ferré, gares, et également un grand spécialiste des trains jouets (Hornby, JEP, LR… ). Il est l’auteur d’un grand nombre de livres dans ces domaines, dont une encyclopédie de référence des trains jouets français.
Son 1er article sur « l’Autoroute LR » se trouve dans « la vie du collectionneur » n°74 du 19 Janvier 1995 (journal en noir et blanc) et le second est dans le n°1, été 2004, de la très belle revue en couleur « Jouets de collection ». Les 2 articles présentent beaucoup de similitudes. Il y écrit que la production n’a duré que 2 ou 3 ans, avant guerre. Mais à chaque fois, il pose la même question, « ce jouet a-t-il été produit après-guerre ? ».
Il débute sa réponse en disant que les catalogues LR d’après guerre ne mentionnent pas « l’Autoroute LR », il écrit également qu’il n’y a aucune preuve de fabrication après-guerre et qu’il reste possible qu’il y ait eu des ventes après-guerre, mais qu’il s’agisse de pièces en stock de fabrication antérieure.
Extrait de son article
On ne peut pas dire que Clive Lamming (CL pour la suite) réponde à la question !
Il n’a tout simplement pas fait les recherches nécessaires pour y répondre ; mais on l’excusera, quand on écrit une soixantaine de livres, on ne peut pas être pointu dans tous les thèmes. Nous savons tous que le domaine du jouet est vaste et qu’il est impossible de tout savoir…
Je regrette également que dans son article, il ne cite pas le nom de l'inventeur de "L'Autoroute LR", Monsieur René TRUBERT, le directeur technique de l'entreprise Louis ROUSSY.
Mais comme cet auteur est très connu et reconnu, ses écrits deviennent des références. C’est la raison pour laquelle beaucoup de personnes doutent parfois de ce que j’écris dans les pages de ce forum. On me pose et repose toujours cette question :
« Etes vous sûr qu’il y ait eu une production après-guerre ? ».
Je vais essayer de vous en convaincre :
-D’abord, en revenant sur l’article de CL, il se trompe en disant que la bibliographie LR ne mentionne pas « l’Autoroute LR » après-guerre.
Un collectionneur LR (merci Philippe) possède un ensemble de catalogues destinés aux revendeurs de jouets LR.
Dès 1946, on retrouve une preuve, très exactement sur les fiches des tarifs du 2 décembre 1946. Le coffret « Auto-Route LR » sans transformateur est présent au tarif de 2030 Francs. De même, au tarif 1948, où le tarif passe à 5670 Fr (quelle inflation !) alors que le coffret avec transformateur est de 8300 Fr (cher transfo !). On trouve encore l’existence en décembre 1949, alors qu’il disparaît au tarif 1950.
-Autre point sur lequel CL se trompe : il émet l’hypothèse que les voitures LR vendues après-guerre puissent être issues d’assemblages de pièces en stock.
Avant de lire ma réponse, je vous invite à relire le sujet que j’ai déposé en page 2 de ce sujet de forum « les différences entre les 2 générations de voitures LR »
Photo regroupant une grande partie des différences entre les voitures de 1ère et seconde génération:
Manifestement CL n’a pas effectué ce travail d’observation !
Bien que les 2 générations de voitures soient identiques esthétiquement, pratiquement toutes les pièces qui les constituent sont différentes, à commencer par les 2 pièces principales comme le châssis et la carrosserie. La partie avant du châssis avec l’équerre d’attache du pare-choc est moins grande sur les voitures totalement peintes, vendues après-guerre. Après-guerre, la carrosserie ne présente plus d’empreinte M et A pour la mise en service du Moteur et de l’Allumage des phares.
Il en est de même pour les petites pièces comme le frotteur électrique sous le châssis, les pièces composant le train avant : pivot de roue en zamak, la fixation de la biellette de direction, les entretoises entre les plaques de support des pivots de roue…
DONC, il est évident que les voitures vendues après-guerre n’ont pas été assemblées à partir de pièces en stock fabriquées avant-guerre.
Autre évidence, tous les moules de coulée des pièces en zamak ont été refabriqués simultanément ;
POURQUOI avoir fait de telles dépenses pour des modifications d’apparence si mineures, à un moment extrêmement difficile pour l’économie française et ses industriels ?
CL, historien du rail français, des trains, des gares n’a certainement pas fait le lien entre la seconde guerre et le lieu d’implantation de l’usine de fabrication LR. Cette fabrique était située à Trappes depuis le début des années 1930.
Cette ville de la banlieue ouest de Paris avait la particularité de posséder une des plus grandes gares de triage françaises ainsi qu’un important dépôt de locomotives.
Au printemps 1944, elle fut bombardée à plusieurs reprises, d’abord dans la nuit du 6 au 7 mars, nuit pendant laquelle les avions alliés de la RAF ont largué 1260 tonnes de bombes , puis fin mai et le 2 et 3 juin. A l’époque, les largages de bombes étaient massifs, par manque de précision.
La ville de Trappes fut détruite à 71%, l’attaque de mars a provoqué 100 morts parmi la population civile et celle de juin, 240 morts.
L’usine LR ne fut pas épargnée, elle fut presque totalement détruite et certainement les petits moules de voitures LR avec…
Conclusion, la réponse à la fameuse question :
Il y a bien eu une fabrication de voitures LR après-guerre. Ce sont les voitures de seconde génération, totalement peintes, construites avec les pièces issues de nouveaux moules de coulée des pièces en zamak.
Autre preuve : l’existence d’éléments de piste en fer blanc assemblés avec des rivets en aluminium en remplacement des pistes cuivrées et de leurs rivets en cuivre. La guerre a été la cause d’une pénurie de ce métal dont l’utilisation était réservée à l’armement. Ces éléments sont rares et doivent correspondre à la reprise de production en 1946.
Ci-joint un extrait d’un article rédigé par Mick Duprat dans « La vie du jouet » n°15 (Janvier 1997). Le sujet : « Tous les jouets LR », à partir de la collection de Lionel Jacquemont. L’auteur confirme la quasi destruction de l’usine LR de Trappes.
Vues des dégâts après les bombardements sur la ville de Trappes.
La gare et son dépôt de locomotives
Vue aérienne des impacts de bombes, sur la gare et le reste de la ville, nul doute que les usines avoisinantes de la gare ont également été détruites.
Pour terminer ce post,
comme preuve supplémentaire, on peut ajouter le travail de décryptage des n° manuscrits sous le châssis. Voir post précédent. L'hypothèse la plus probable serait qu'il soit une date, sans savoir si elle correspond à la date de fabrication ou la date de conditionnement de la voiture dans son coffret.
Et toutes les dates collectées à ce jour correspondent aux années 1947 et 48.